• Dix jours dans l’arène chaviste…

    Du Venezuela, nous retiendrons à peine les paysages, pourtant parmi les plus beaux du monde… Le manque de temps, les pluies battantes, la difficulté à se procurer de l’argent et l’insécurité latente nous ont malheureusement contraints à rester souvent enfermés dans nos auberges. Mais que de rencontres marquantes ! Et surtout, que de discussions enflammées sur l’avenir du Venezuela ! Car Hugo Chavez, président controversé depuis 2002, occupe tous les esprits, à défaut des coeurs ! Une immersion captivante au coeur de l’agora vénézuélienne…

    Notre première impression du Venezuela fut amère : les touristes semblent ici tout sauf bienvenus ! Sinon, pourquoi implanter le bâtiment de l’immigration à 1km de la frontière, bien loin de la route qu’empruntent les bus ? Et puis, finis les sourires et l’aide spontanée des Colombiens, place aux visages fermés et aux regards fuyants des habitants auprès desquels nous tentons de nous renseigner… Six contrôles militaires plus tard, nous ressentons pour la première fois l’angoisse qui nous suivra tout au long de notre séjour au Venezuela : comment obtenir des bolivares ? Car si nous avons les poches pleines de dollars – ce qui rend notre périple très sécurisant au pays des détroussages violents – il nous faut encore trouver des changeurs officieux, car dans les banques, le dollar, comme l’euro, valent deux fois moins que dans la rue… Or, pas l’ombre d’un représentant du marché noir à la gare routière ! Nous voilà donc dans la situation la moins anxiogène qui soit : coincés à 22h, au terminal de Mérida, avec moins d’argent qu’il nous en faudrait pour prendre un taxi. Et le chauffeur qui nous rit au nez quand nous lui proposons de compléter en dollars… Heureusement, une âme « charitable » passe par là, qui consent à nous changer 5$, avec un bénéfice confortable… Mais au moins, nous arrivons entiers à l’auberge, avant de ressortir, en manque de sensations fortes, dévorer notre premier repas depuis 36 heures dans le seul endroit encore ouvert un dimanche à 23h, à deux pas d’une favela. Bienvenus au Venezuela !

     

    Dix jours dans l’arène chaviste…Heureusement, le reste de notre séjour fut nettement moins traumatisant. Le lendemain, nous découvrons Mérida, son centre animé et son téléphérique le plus long du monde (en panne), encadrée par de hautes montagnes (nous atteignons ici les derniers contreforts des Andes), avant de rentrer à l’auberge au pas de course, après avoir changé une liasse d’euros. Puis nous passons une après-midi surprenante, à discuter à bâtons rompus avec un Français, un Australien et surtout un jeune Vénézuélien de 17 ans, qui se destine à la politique et qui nous tient un discours passionné sur le socialisme, le capitalisme, les maux dont souffre son pays et les remèdes qu’il faudrait selon lui adopter. Nous croyons avoir affaire à un extra-terrestre, mais que nenni ! Le soir même, nous tombons sur une Vénézuélienne de 26 ans, qui défend mordicus la lutte des classes et considère avec dédain la « gauche » que la France vient de porter au pouvoir… Nous voilà dans le bain !

     

    Dix jours dans l’arène chaviste…Le lendemain, 24 heures de bus nous attendent : dans une atmosphère surclimatisée (paraît-il pour éviter les odeurs...), nous passons le temps, emmitouflés dans notre duvet, à dévorer les pavés que nous avions pensé à emmener. Heureusement, car avec une seule pause et pas de film, le voyage nous aurait semblé long ! Enfin, nous débarquons à Puerto La Cruz et sautons dans un minibus pour Playa Colorada à la découverte des plages paradisiaques des Caraïbes. Mais à peine arrivés à l’auberge, une pluie diluvienne s’abat sur le village. Quand nous tentons une sortie, en quête de vivres, les rues pentues se sont transformées en torrents dans lesquels nous manquons de perdre nos tongs à chaque instant. Au bout du voyage, la plage… Et malgré la pluie battante et les nuages bas, nous sommes émerveillés : sable orangé, palmiers élancés, petits îlots épars et barques croquignolettes ; avec la jungle en arrière-plan, l’endroit est paradisiaque. Quel spectacle ce doit être par beau temps !

     

    Dix jours dans l’arène chaviste…Trempés, nous nous replions à l’auberge, où nous avons à déplorer une victime de l’inondation : notre portable n’a pas surnagé dans les poches de Nicolas… Enfin au sec, nous finissons l’après-midi en compagnie de notre logeuse, pimpante Suisse allemande de 60 ans, qui vit au Venezuela depuis 20 ans. Le portrait qu’elle dresse du pays est tout sauf réjouissant : pauvreté criante, criminalité grandissante, flambée des prix, système de santé catastrophique, le tout masqué par la propagande mensongère de Chavez. Sa propre situation, qu’elle raconte pourtant avec le sourire, nous affole : elle vit seule à l’auberge avec son fils, le filon touristique s’est tari (nous sommes ses premiers touristes étrangers depuis 3 mois !) et elle a déjà du faire face, cette année, à deux cambriolages, dont l'un sous la menace d’une arme. Après son départ, nous restons un moment seuls dans le jardin ouvert aux quatre vents… pas très rassurés, avouons-le !

    Le lendemain, le même scénario météo se reproduit, mais cette fois, méprisant la pluie, nous piquons une tête dans la mer des Caraïbes. Divine ! Aucune photo ne viendra cependant illustrer ce moment, car dans ce village que trois gangs se disputent, nous nous promenons les mains dans les poches !

     

    Puis nous quittons, presque soulagés, ce lieu que l’enfer se dispute au paradis, pour gagner Ciudad Bolivar, point de départ des excursions au Salto Angel. Ce devait être le moment fort de notre séjour au Venezuela : la découverte des plus grandes cascades du monde, hautes de près de 900 mètres, qui relèguent de fait les chutes d’Iguazu au rang de simples fontaines ! Mais arrivés à Ciudad Bolivar, alors que nous discutions avec l’employé d’une agence, nous nous rendons compte de la difficulté de l’opération : dans 4 jours, nous devons prendre un avion à Manaus, au Brésil, à 1300km de là… Et quand bien même nous prendrions l’option VIP du tour au Salto Angel, qui inclut un vol jusqu’à la frontière brésilienne, le problème de l’argent se posait : nous ne disposions en effet pas assez d’espèces pour régler l’agence, et en cette veille de week end, un virement ne pouvait être effectif à temps… Bref, les éléments se liguaient contre nous : nous décidâmes donc d’abandonner l’idée de voir le Salto Angel. « Une bonne occasion de revenir au Venezuela » dixit Nicolas. Aude se tait quant à elle…

     

    Dix jours dans l’arène chaviste…Nous passâmes donc deux jours à parcourir Ciudad Bolivar, son joli centre historique, ses bâtiments coloniaux aux couleurs éclatantes et sa longue promenade le long du Rio Orenoque où les pêcheurs passent le temps tranquillement, et vivrons surtout une après-midi inoubliable avec Gerd, le propriétaire de notre auberge, et sa petite famille, à disserter de l’avenir incertain du pays tout en buvant d’innombrables cubas libres. Pas sûrs que nous ayons fait avancer le pays, mais nous en ressortons éclairés sur l’état d’esprit des Vénézuéliens et surtout, fermement convaincus que la politique, si dédaignée dans nos contrées, peut réellement avoir un impact considérable…

     

    A Santa Elena, à 12 heures de route de Ciudad Bolivar, là où le Brésil est déjà palpable, entre les bikinis et les bières Brahmas qui ont envahi les échoppes, nous tournons la page du Venezuela. Peut-être pas charmés par le pays, mais sans aucun doute plus conscients de sa réalité.


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  • Commentaires

    1
    Fabien02
    Mercredi 6 Mars 2013 à 08:41

    Bon, les amis, Chavez est mort : l'occasion de rédiger un nota bene, et d'expliquer ce que les Vénézuéliens peuvent ressentir au dècès de leur icône (ou pas, puisque visiblement, tout le monde ne le portait pas dans son coeur)?



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