Dix jours de froid sur l’Altiplano et nous fûmes vaccinés ! La moite chaleur tropicale de Santa Cruz nous manquait, et après avoir connu la jungle en Asie du Sud Est, la mythique Amazonie méritait bien le détour. Après un jour passé à explorer l’aérienne capitale bolivienne, magnifiquement enserrée dans son canyon, nous plongeâmes dans l’enfer vert…

S’il est une capitale dans le monde qui mérite la palme de l’originalité de son cadre naturel, c’est bien La Paz ! Etagée entre 3200 et 4000m, elle est circonscrite par les sommets de la Cordillère Royale, l’Illimani et ses 6462m en tête. Cité bariolée, de bric et de broc, comme suspendue aux nuages, elle réserve d’étranges surprises aux courageux voyageurs qui osent parcourir ses flancs : un marché aux sorcières où l’on peut acheter, entre autres, des foetus de lamas à enterrer sous la maison pour préserver sa solidité ; un lampadaire auquel on pend les dictateurs ; un déjeuner (entrée/plat/dessert) à moins d’un euro ; ou plus simplement une sévère côte, à provoquer un oedème pulmonaire dans l’instant ! Un vrai coup de coeur, auquel nous aurions aimé consacrer plus de temps. Ce sera pour la prochaine fois…

Pour nous rendre en Amazonie, et plus précisément à Rurrenabaque, deux solutions s’offraient à nous : emprunter en bus la route de la mort ; 24h de voyage de 4000m à 100m d’altitude, un ravin de 1000m en contrebas de la route pendant les premières heures, des dépassements déments et une police locale à corrompre OU prendre un avion des forces armées boliviennes et atteindre la ville au bout d’une heure de vol. Après le taxi chinois, nous avons obligé nos compagnons de voyage Francesco et Francesca à prendre l’avion !

Après un réveil mouvementé et un voyage sans histoire, nous atterrîmes à Rurre, petite cité touristique au bord du rio Beni. Exit polaires et laine merinos, bonjour shorts, claquettes et moustiques ! Un air de Vietnam flotte ici : moto taxis, pistes de terre, enfants nus, végétation luxuriante. Nous respirons à plein poumons l’oxygène saturé d’humidité. C’est bon ! Vient ensuite la tournée des agences proposant divers séjours dans la jungle. Après une journée de consultation, nous choisîmes celui dont la franchise nous avait convaincus ! Juste le temps de baisser la garde et d’acheter une bouteille d’eau re-remplie (on vous laisse imaginer les conséquences) et nous partions pour trois jours au coeur de la jungle !

Et sincèrement, cela ne se présentait pas sous les meilleurs auspices… Pour la première fois depuis notre départ, notre appareil photo nous lâchait définitivement alors que nous venions de monter dans le bateau ! Dans la foulée, nous apprenions que notre agence n’était qu’un intermédiaire, qui nous avait vendus à une autre agence, seule autorisée à entrer dans le parc Madidi. Enfin, l’arrivée au camp de base et la longue attente du déjeuner n’eut aucune influence sur les portions… liliputiennes !

Heureusement vint la première marche, que nous souhaitions longue et difficile ! Six heures dans la boue, sans bottes pour Nico, durant lesquelles Roni, notre guide, nous apprit à reconnaître les plantes médicinales, toxiques (le curare notamment), les insectes agressifs tels la fourmi de feu, dont la piqûre fait souffrir atrocement et provoque 24h de fièvre, les araignées, dont la tarentule qui peut atteindre la taille d’une assiette. Nous entendîmes enfin, puis vîmes des singes capucins se déplacer d’arbres en arbres tandis que le jour tombait. Le retour à la frontale fut épique, dans la boue jusqu’aux yeux, croisant de petits alligators dans les marais et des traces d’anacondas. Nous dévorâmes le dîner et eûmes à peine le temps de nous installer sous nos moustiquaires, bercés par les sons de la jungle, avant de sombrer.

Au matin du second jour, nous fûmes réveillés par des pécaris : une centaine d’entre eux vit se repaître des fruits tombés des arbres en lisière du camp. De vrais goinfres, susceptibles en cas de mouvement suspect. Ce n’est pas pour rien que le jaguar les craint ! Après uns nouvelle marche dans la jungle, l’après-midi fut consacré à une initiation à l’artisanat des tribus amazoniennes. Nous créâmes bagues et pendentifs à partir de fruits forestiers, au grand bonheur des filles ! Et que dire de notre bain dans le tumultueux rio Tuichi, qui permit enfin de nous soustraire à la transpiration et la saleté accumulées, et offrir ainsi nos corps dénudés à la voracité des insecte autochtones ! Après le dîner, nous sollicitâmes Roni pour une nouvelle marche de nuit. Hors de tout sentier, nous suâmes sang et eau sans apercevoir un seul animal, mais quelle expérience !

Le dernier jour comporta aussi son lot de surprises : chauve-souris, fourmis guerrières, grands papillons, etc. Tout se passait pour le mieux, et nous suivions Roni hors des sentiers, quand à l’improviste, il porte sa main à la carotide et quelque chose tombe au sol. Avec sa machette, il soulève l’énorme araignée qui vient de le mordre pour l’identifier, la relâche, et prend tranquillement une petite bouteille d’antidote dont il avale un bouchon, avant de rentrer au camp se reposer. Ainsi va la vie en Amazonie…

Le séjour se conclut par l’observation de perroquets aras rouges, bien à l’abri dans leurs nids creusés dans les falaises, avant de saluer notre guide et de rentrer à Rurre dans notre bateau. Une belle surprise nous y attendait : Jen et Marty, deux collègues de galère de Torres del Paine, que nous retrouvions sous les Tropiques ! Une bien belle soirée s’annonçait…